introduction au Jeu de l’amour et du hasard acte III, scène 6
Marivaux écrit la pièce Le jeu de l’amour et du hasard en 1730. Dans l’acte III, scène 6, Silvia, une jeune de noble condition, doit épouser Dorante, un jeune homme bien né également. Or, ils ne se connaissent pas. Silvia a donc l’idée de demander à sa servante, Lisette de se faire passer pour elle. De même, Dorante demande à son valet Arlequin de se faire passer pour lui afin de découvrir qui est la jeune fille qui lui est destiné.
Problématique: nous nous demanderons quelle est la force burlesque de ces aveux?
[…]
ARLEQUIN, à part.
Préparons un peu cette affaire-là… (Haut.) Madame, votre amour est-il d’une constitution bien robuste, soutiendra-t-il bien la fatigue, que je vais lui donner, un mauvais gîte lui fait-il peur ? Je vais le loger petitement.
LISETTE
Ah, tirez-moi d’inquiétude ! en un mot qui êtes-vous ?
ARLEQUIN
Je suis… n’avez-vous jamais vu de fausse monnaie ? savez-vous ce que c’est qu’un louis d’or faux ? Eh bien, je ressemble assez à cela.
LISETTE
Achevez donc, quel est votre nom ?
ARLEQUIN
Mon nom ! (A part.) Lui dirai-je que je m’appelle Arlequin ? non ; cela rime trop avec coquin.
LISETTE
Eh bien ?
ARLEQUIN
Ah dame, il y a un peu à tirer ici ! Haissez-vous la qualité de soldat ?
LISETTE
Qu’appelez-vous un soldat ?
ARLEQUIN
Oui, par exemple un soldat d’antichambre.
LISETTE
Un soldat d’antichambre ! Ce n’est donc point Dorante à qui je parle enfin ?
ARLEQUIN
C’est lui qui est mon capitaine.
LISETTE
Faquin !
ARLEQUIN, à part.
Je n’ai pu éviter la rime.
LISETTE
Mais voyez ce magot ; tenez !
ARLEQUIN, à part.
La jolie culbute que je fais là !
LISETTE
Il y a une heure que je lui demande grâce, et que je m’épuise en humilités pour cet animal-là !
ARLEQUIN
Hélas, Madame, si vous préfériez l’amour à la gloire, je vous ferais bien autant de profit qu’un Monsieur.
LISETTE, riant.
Ah, ah, ah, je ne saurais pourtant m’empêcher d’en rire avec sa gloire ; et il n’y a plus que ce parti-là à prendre… Va, va, ma gloire te pardonne, elle est de bonne composition.
ARLEQUIN
Tout de bon, charitable Dame, ah, que mon amour vous promet de reconnaissance !
LISETTE
Touche là Arlequin ; je suis prise pour dupe : le soldat d’antichambre de Monsieur vaut bien la coiffeuse de Madame.
ARLEQUIN
La coiffeuse de Madame !
LISETTE
C’est mon capitaine ou l’équivalent.
ARLEQUIN
Masque !
LISETTE
Prends ta revanche.
ARLEQUIN
Mais voyez cette margotte, avec qui, depuis une heure, j’entre en confusion de ma misère !
[…]
Le jeu de l’amour et du hasard – Extrait de l’Acte III, scène 6 – Marivaux
Annonce des mouvements
Nous pouvons distinguer deux mouvements dans cet extrait du Jeu de l’amour et du hasard acte III, scène 6:
- premier mouvement: le quiproquo (du début à la réplique de Lisette: » Un soldat d’antichambre ! Ce n’est donc point Dorante à qui je parle enfin ? « )
- second mouvement: les aveux burlesques de deux serviteurs (« c’est lui qui est mon capitaine »)
1er mouvement: le quiproquo
- D’abord, Arlequin, personnage emprunté à la comédie italienne, s’adresse aux spectateurs à travers un aparté: « à part ». Ainsi, il annonce son projet malicieux qu’il désigne par « affaire ».
- Ensuite, il parle d’amour à Lisette à travers une métaphore péjorative du logement : « gîte » et »loger » en témoignent. En effet, il lui annonce déjà qu’il a de faibles moyens, il trahit ainsi sa condition modeste.
- Toutefois, l’apostrophe « madame », montre qu’il est dans son rôle et s’efforce de respecter son déguisement d’homme noble.
- Naît alors un quiproquo: Lisette s’interroge sur son identité comme le révèlent les deux phrases interrogatives.
- Mais Arlequin qui s’apprêtait à dévoiler son identité se ravise: « je suis… » Les points de suspension illustrent ce changement et créent un effet de retard, d’attente chez Lisette. Le valet se livre alors à une métaphore de la fausse monnaie tout à fait péjorative et burlesque. Dès lors, cette remarque prête à sourire.
- C’est pourquoi, une fois de plus, Lisette s’interroge sur celui qui lui fait face et le questionne de nouveau sur son identité. Ce qui crée un comique de répétition.
- Or la réponse d’Arlequin est une fois encore décevante pour Lisette car il entretient le doute: « mon nom! » s’écrie-t-il à travers une phrase nominale.
- Ensuite, dans un autre aparté, il fait une remarque comique sur l’idée de révéler son nom qui trahit sa condition sociale comme le montre la rime « Arlequin »/ »coquin ».
- Arlequin, après avoir été sollicité une fois encore par Lisette, se lance dans une nouvelle image, celle du soldat. C’est donc une nouvelle métaphore.
- Lisette est alors surprise et le questionne sur le sens de sa remarque.
- « Oui par exemple un soldat d’antichambre! » La métaphore révélée, Arlequin livre également sa condition de valet.
- Dès lors, Lisette touche le sommet de l’incompréhension et interroge une fois encore Arlequin sur son idée.
2ème mouvement: les aveux burlesques de deux valets
- Ainsi, Arlequin est sommé de livrer son identité, de passer aux aveux: « c’est lui est mon capitaine! » Par cette réponse comique, il file la métaphore du soldat, et révèle avec humour qu’il n’est que le valet de Dorante.
- Or, la réponse de Lisette est comique car elle utilise une expression qui rime avec Arlequin, « faquin! » mais qui n’est pas le mot « coquin » que redoutait le valet de Dorante. Toutefois, les deux termes sont synonymes.
- Il le regrette d’ailleurs dans l’aparté suivant tout à fait comique.
- Lisette répond alors avec agacement « magot! » qui est un terme péjoratif. D’ailleurs, elle reprend dans sa réplique suivante un terme négatif en le désignant par « cet animal-là ».
- Puis, Arlequin se livre avec franchise et oppose « la gloire » à « l’amour ». Il avoue ainsi son intérêt pour elle malgré sa condition de domestique. (D’ailleurs, à ce stade, il croit encore qu’elle est Silvia, une dame donc et non une domestique.)
- Lisette répond alors par le rire comme en témoignent les didascalies et les interjections répétées.
- Arlequin s’efforce alors de répondre avec un discours adéquat pour une dame de condition. Son apostrophe le montre: » Tout de bon, charitable Dame, ah, que mon amour vous promet de reconnaissance ! »
- Dès lors, Lisette avoue à son tour sa véritable condition: » le soldat d’antichambre de Monsieur vaut bien la coiffeuse de Madame. » Ainsi, les deux compléments du nom montrent que le quiproquo reposait sur une même attitude et un même statut social.
- Alors, c’est au tour d’Arlequin de se montrer surpris de cet aveu: La coiffeuse de Madame ! » Comme Lisette auparavant, sa réplique courte et nominale montre que les mots lui manquent!
- Lisette réagit en miroir et établit un parallèle, elle reprend la métaphore d’Arlequin: « C’est mon capitaine ou l’équivalent. «
- « Masque! » Arlequin réagit donc en faisant référence à la comédie double qui est jouée ici: une comédienne incarne Lisette laquelle incarne Silvia. C’est donc une référence à la double énonciation théâtrale.
- Enfin, mécontent, Arlequin utilise un terme vulgaire « margote » pour désigner une femme bavarde avec laquelle il perd son temps depuis tout à l’heure.
conclusion
Dès lors cette scène montre bien le rôle comique des valets qui à travers le quiproquo et les aveux amusent le spectateur. Cependant, la comédie reste l’occasion d’évoquer, sur le ton léger de l’humour, la question de la hiérarchie sociale.
Merci de ta lecture!
Tu peux aussi lire la fiche méthodologique pour préparer la lecture linéaire à l’oral du bac.
–Les fausses confidences (oeuvre complète )
–Commentaire de théâtre: fiche
–Biographie et bibliographie de Marivaux
-Mariage de Figaro
Pouvez-vous donner une problématique à ce commnetaire s’il vous plait ?
Bonjour,
Elle est inscrite en rouge: « Problématique: nous nous demanderons quelle est la force burlesque de ces aveux? »
Bonjour, pourriez vous donner des sous parties, afin de mieux se repérer s’il vous plait.
Merci