« Le Pont Mirabeau » analyse linéaire. Guillaume Apollinaire publie d’abord ce texte dans la revue Soirées de Paris en 1912. Puis, il le fait paraître l’année suivante dans le recueil Alcools. Il est situé entre « Zone » et « La chanson du mal-aimé ». Par ailleurs, ce texte relate son histoire d’amour malheureuse avec la peintre Marie Laurencin à travers la métaphore filée de l’eau comme image du temps qui passe. Nous nous proposons ci-après d’effectuer l’explication linéaire du poème organisée autour d’une problématique et d’une proposition de découpage en mouvements.
LE PONT MIRABEAU ANALYSE LINEAIRE
En quoi ce poème s’inscrit dans une modernité poétique?
Nous nous proposons de découper ce poème en deux mouvements renvoyant à la trajectoire de son histoire d’amour avec Marie Laurencin:
- Du vers 1 au vers 12: un amour partagé
- Du vers 13 à la fin: la séparation
1. Premier mouvement: un amour partagé
Première strophe
- D’abord, c’est la ville de Paris qui sert de décor urbain à cette histoire d’amour. En effet, le pont Mirabeau est un ouvrage moderne, métallique. Ainsi, nous pouvons relever le complément circonstanciel de lieu « Sous le pont Mirabeau » qui ouvre le poème.
- Ensuite, le présent « coule la Seine » vient compléter ce cadre parisien.
- Notons d’emblée l’absence de ponctuation comme pour mieux laisser filer l’eau. Or cette absence de ponctuation donne au poème une certaine modernité.
- De plus, l’amour avec la femme aimée apparaît comme partagé voire fusionnel. Ainsi, nous pouvons noter l’usage du terme « amours » au pluriel. D’ailleurs, ce pluriel est renforcé par l’emploi du déterminant possessif pluriel « nos » qui insiste là encore sur un partage des mêmes sentiments amoureux.
- Cependant, dès le vers 3, un indice sème le trouble. En effet, l’évocation du thème du souvenir ainsi que la modalité interrogative, marquée par l’inversion sujet-verbe, annonce que cet amour est probablement achevé « Faut-il qu’il m’en souvienne ».
- Pourtant le vers 4 met en évidence le triomphe du bonheur sur la souffrance à cette époque. Notons au passage l’usage de l’imparfait qui renvoie à une époque antérieure. En effet, « La joie venait toujours après la peine » repose sur une antithèse entre « joie » et « peine » de part et d’autre du vers. Mais le bonheur triomphe comme en témoigne l’emploi de l’adverbe de temps, « toujours ». Soulignons néanmoins l’emploi suspect de la « peine » comme dernier mot de cette première strophe.
Le refrain
- D’abord, le refrain repose sur plusieurs verbes: « vienne », « sonne », « s’en vont », tous verbes d’action. Or, le poète apparaît seulement à la fin du refrain à travers l’usage de la première personne « je demeure ». Il semble donc immobile face à un amour qui a évolué, un amour qui a filé.
- C’est donc la solitude qui est donnée à entendre dans ce refrain.
Deuxième strophe
- Mais eu vers 7, c’est l’image d’un couple amoureux qui est donnée. Cet aspect fusionnel transparaît avec les redoublements « mains dans les mains », « face à face » comme s’ils fonctionnaient en miroir.
- De plus, les corps des amoureux semblent imiter le pont Mirabeau « le pont de nos bras passe ».
- Mais une fois encore, l’adjectif qui clôt la strophe est suspect. En effet, « l’onde lasse » apparaît comme une métaphore de cet amour à bout de souffle. Cet effet est d’ailleurs renforcé par la rime avec « passe » et l’allitération en [s].
Ainsi, ce premier mouvement montre un poème moderne.
2. Deuxième mouvement: la séparation
Troisième strophe
- D’abord, Apollinaire éclaircit la métaphore de l’eau: « l’amour s’en va comme cette eau courante ».
- Or, la métaphore de l’eau comme image du temps qui passe est traditionnelle. (voir la poésie romantique par exemple)
- Puis, au vers suivant, l’amour est personnifié. « L’amour s’en va » donne à l’amour qui fuit une certaine puissance dévastatrice.
- Ensuite, la rime entre « lente » et « violente » met en relief la souffrance lorsque l’amour s’éteint. Remarquons d’ailleurs l’emploi de la diérèse sur « violente », mettant un peu plus ce terme à la rime en évidence.
- Puis, l’allégorie « Espérance » renforce la douleur due à un espoir illusoire.
- De plus, le décasyllabe central apparaît comme disloqué « L’amour s’en va » (4 syllabes) + « Comme la vie est lente » (6 syllabes). La forme fait écho au fond et illustre la cassure à l’occasion de cette rupture amoureuse. Ce démembrement du décasyllabe confère également une grande modernité au poème.
Dernière strophe
- D’abord, le parallélisme de construction « Passent les jours et passent les semaines ». Le poète semble accepter la rupture.
- Or, Apollinaire donne un aspect moderne à cette question de la rupture amoureuse en montrant que le passé ne passe pas et demeure vivant dans sa mémoire. D’abord, l’usage du présent de l’indicatif montre que cet amour est encore vif.
- Ensuite, la double négation apparaît comme une formulation novatrice: « Ni temps passé »/ « Ni les amours reviennent ».
- Notons également que la formule utilisée plus tôt, « nos amours », revient de manière atténuée, profondément modifiée avec « les amours ». D’ailleurs cette formulation apparaît plus générique.
- Enfin, le poème se termine étonnamment par la reprise du vers initial comme si le poète se résignait, enfermé dans la boucle du temps qui passe.
LE PONT MIRABEAU ANALYSE LINEAIRE: conclusion
Ainsi, « Le pont Mirabeau » apparaît comme un poète qui traite un topos littéraire, celui de la rupture et de la souffrance amoureuse. Cependant, l’écriture, tant sur la forme que sur le fond, donne une approche moderne, novatrice.
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–Alcools (recueil en PDF)