PRINCESSE DE CLEVES ET SARKOZY

Princesse de Cleves et Sarkozy. D’abord, pourquoi lire, aujourd’hui encore, La princesse de Clèves de Mme de La Fayette? Cette oeuvre date après tout de 1678 et relate une histoire qui se déroule au XVIème siècle, pendant les dernières années du règne du roi Henri II. Pour autant, cette oeuvre ne nous questionne-t-elle pas sur notre monde, sur la manière de se comporter de l’individu? Sur la morale qui prévaut aujourd’hui? Sur la société? Cependant, Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était président a montré plusieurs fois qu’une telle lecture questionne notre enseignement et la place octroyée aux lectures patrimoniales. Autrement dit, est-il pertinent de forger notre enseignement sur des oeuvres classiques?

En politique, les petites phrases ont souvent une durée de vie très courte. Celle que Nicolas Sarkozy a lâchée à propos de La Princesse de Clèves, le 23 février 2006, avant d’être élu président de la République en 2007, échappe à la règle : cinq ans plus tard, sa déclaration à l’égard du roman de Mme de La Fayette qui laissait entendre que cette œuvre de littérature ne pouvait pas intéresser une « guichetière » est encore gravée dans les esprits. Le 23 février 2006, à Lyon, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et candidat à l’élection présidentielle, promettait devant une assemblée de fonctionnaires d' »en finir avec la pression des concours et des examens ». Il avait alors lancé : « L’autre jour, je m’amusais – on s’amuse comme on peut – à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle ! » Deux ans plus tard, en juillet 2008, le chef de L’État revenait à la charge. A l’occasion d’un déplacement dans un centre de vacances en Loire-Atlantique, il faisait l’apologie du bénévolat qui, disait-il, devait être reconnu par les concours administratifs : « Car ça vaut autant que de savoir par cœur La Princesse de Clèves. J’ai rien contre, mais… bon, j’avais beaucoup souffert sur elle », souriait-il. La vidéo est toujours visible sur Internet. Nombre d’enseignants, d’artistes et d’intellectuels ont vu dans ces tirades la volonté du candidat UMP, puis du président, d’enterrer la culture. La petite phrase a continué de coller à Nicolas Sarkozy, quoi qu’il fasse. Pendant le mouvement des enseignants chercheurs, entre 2007 et 2009, des lectures marathons de La Princesse de Clèves étaient organisées dans la rue ou devant des lieux symboliques, comme le Panthéon, à Paris. La Princesse de Clèves revivait, même si elle n’a jamais cessé d’être une œuvre de référence. Dans les librairies, les ventes du roman ont connu un frémissement. Claire Chazal a même consacré un reportage à ce « drôle de phénomène » dans son journal de 20 heures, sur TF1, en mars 2009. Aujourd’hui, l’embellie est toujours là, mais variable selon les éditions de l’ouvrage – on en compte près d’une dizaine. »

Le Monde, 29 mars 2011.

Comme en témoigne cet article du Monde de 2011, la question de la lecture des oeuvres classiques interroge l’enseignement aujourd’hui mais aussi , plus généralement notre rapport à notre culture littéraire. Les déclarations de Nicolas Sarkozy sur la lecture de La princesse de Clèves soulève plusieurs questions:

1)Pourquoi lire encore une telle œuvre aujourd’hui, en particulier dans le cadre de la préparation au baccalauréat ?

2)Le roman de Mme de Lafayette doit-il être considéré comme une œuvre résolument moderne, le premier roman au sens où nous entendons le terme aujourd’hui ? Ou bien faut-il voir là, une reprise déformante des codes romanesques héroïques de son époque ?

3)Comment classifier, catégoriser cette œuvre : un court roman ? Une longue nouvelle ? Une histoire ?

4)Un autre écart sensible est de fait celui qui sépare la langue du XVIIe siècle de la langue littéraire de notre époque. Cette distance est certes sémantique. Que recouvrent effectivement les termes « magnificence » et « galanterie » qui ouvrent le roman ? Ce qui surprend également le lecteur est l’économie de moyens dans un roman de l’aveu.

5)La vraisemblance en question : La Princesse de Clèves pose enfin un problème éthique, c’est-à-dire pousse à discuter (soit à chercher à expliquer et à comprendre, même si c’est pour ne pas y parvenir) la décision d’un individu confronté à la morale de la société dans laquelle il vit.

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