LA PRINCESSE DE MONTPENSIER, LE PERSONNAGE DE LA PRINCESSE

LA PRINCESSE DE MONTPENSIER, LE PERSONNAGE DE LA PRINCESSE

On voit la princesse de Montpensier réelle et non le personnage de la princesse de Montpensier du livre.

Le personnage éponyme de La princesse de Montpensier incarne les valeurs du XVIIème siècle et de la Préciosité dans la nouvelle de Mme de La Fayette. Toutefois, Betrand Tavernier tout en montrant une certaine fidélité modernise l’héroïne.

Le personnage de la Princesse de Montpensier est-il traité avec fidélité dans le film de Bertrand Tavernier?

I) Une adaptation cinématographique fidèle au personnage littéraire de la princesse de Montpensier

1.Dans la nouvelle de Mme de La Fayette

La nouvelle valorise la princesse de Montpensier à de nombreuses reprises.

A/Qualités physiques

La nouvelliste insiste d’emblée sur sa très grande beauté : « en qui paraissait le commencement d’une
grande beauté » (p.40), « tant de charmes » (début)/ « La beauté de la Princesse de Montpensier » ou encore « fort belle » (p.49). L’auteure souligne aussi « les charmes de son esprit et de sa personne » à la Cour.

B/Qualités morales
Mais ce sont aussi ses qualités morales qui sont mises en avant dans la nouvelle : « sa vertu ». L’éducation de Chabannes permet de parfaire ses qualités naturelles: « une des personnes du monde la plus achevée ».

2. Dans l’adaptation

  • Ainsi, le réalisateur a choisi Mélanie Thierry pour sa grâce, sa beauté, son rire etc. Comme il le confie dans les entretiens accordés à l’occasion de la sortie du film, il a pensé à cette actrice dès qu’il a eu
    l’idée du film.
  • De plus, dans le film, Chabannes vante aussi sa beauté, ses mérites, son intelligence devant Montpensier : « Très belle », « Intelligente, douée, avide de connaissances ». Elle montre sa détermination, sa
    curiosité. Elle demande par exemple à écrire et sera capable par la suite de rédiger des lettres.
  • Ensuite, dans la scène de la barque Mme de La Fayette fait à nouveau l’éloge de la beauté de la Princesse : « Un trouble qui la fit rougir et qui la fit paraître aux yeux de ces princes dans une beauté qu’ils crurent surnaturelle. »

Tavernier filme cet épisode de la rencontre dans un locus amoenus, plongé dans une lumière exceptionnelle. Marie et  la barque  sont entourées d’un halo lumineux comme s’il s’agissait d’une apparition divine. Cette surexposition accentue cette idée de beauté surnaturelle. L’adjectif « féérique » utilisé à deux reprises par Anjou et Guise à ce sujet traduit la même idée dans les dialogues de Jean Cosmos.

3) Des dialogues et des images fidèles à l’esprit de la nouvelle

Le caractère de la princesse et ses réparties dans un certain nombre de scènes du film sont fidèles à la nouvelle de Mme de La Fayette.

  • Ainsi, la réaction de Marie lorsque Chabannes lui avoue son amour est fidèle au personnage de Mme de LF : « elle lui présenta en peu de mots la différence de leurs qualités et de leur âge » (p. 44 GF). Cette réplique trouve un écho dans la métaphore filée de « l’équilibre du monde » garanti «par la modestie des petits astres qui savent rester là où les place la hiérarchie du ciel » dans les dialogues du film.
  • De même, la réplique « J’ai déjà oublié vos paroles. (…) Nous n’y reviendrons jamais » est une
    transposition de « Elle tâcha de le consoler en l’assurant qu’elle ne se souviendrait jamais de ce qu’il venait de lui dire » (p. 45 GF). Dans la nouvelle comme dans le film, Marie montre une forme de bienveillance associée à une conscience de classe pour laquelle Chabannes est un être inférieur.
  • De même, la déclaration que le duc de Guise fait à la Princesse à la Cour en lui apprenant qu’il a toujours conservé sa passion pour elle (p. 56 GF). Ce passage trouve un écho dans la réplique de
    Guise dans le film. Invité à dîner après la rencontre sur la rivière : « sans jamais renoncer à mes sentiments ». Il laisse ainsi entendre qu’il aime toujours Marie.

4)Les choix de mise en scène filmique

L’adaptation de Tavernier tend à expliciter les blancs de la nouvelle qui par définition s’exprime par sa brièveté et son économie narrative.

  • Ainsi,  la phrase par laquelle Mme de La Fayette introduit l’amour de Guise et de la Princesse :« en devint amoureux et en fut aimé »(p.40 GF) est à la fois très synthétique et pleine de retenue. Elle s’inscrit dans un style classique. Tavernier va donner une fraîcheur et une certaine vérité à cet amour juvénile lorsque les deux jeunes gens s’échappent et que Guise embrasse Marie sous un arbre, sous le regard de Mayenne.
  • Tavernier développe également le terme utilisé par Mme de La Fayette pour expliquer la façon dont le marquis de Mézières convainc sa fille d’épouser Montpensier. L’auteure a choisi le mot « tourmenter » signifie « torturer» au XVIIème siècle (p.41 GF). D’ailleurs, dans le film de
    Tavernier, la scène de confrontation entre le père et la fille est d’une grande violence  verbale et physique puisque le père plaque sa fille contre le mur et
    que seule la mère retient la main qui va la frapper. Tavernier développe ainsi les ellipses du texte pour montrer la condition féminine. Les femmes sont des objets de négociation des pères dans les mariages. Elles n’ont finalement  le choix qu’entre un mariage arrangé et le couvent.

De plus, le thème musical tel un leitmotiv choisi par Tavernier et Philippe Sarde à partir de l’air très en vogue au XVIe siècle, « Une jeune fillette », n’est pas anodin puisqu’il rappelle en permanence le sort d’une jeune fille envoyée au couvent car ses parents refusaient de la marier avec son aimé.

II) Une adaptation étoffée de la princesse de Montpensier

Il s’agit pour le réalisateur de détacher le personnage de Marie du XVIIe siècle et de la Préciosité pour faire de la princesse de Montpensier un personnage  vraisemblable. Il doit pour cela la situer clairement au XVIe siècle où se situe l’action de la nouvelle. Tavernier a pour y parvenir suivi les conseils d’historiens.

Il s’agit aussi de moderniser le personnage éponyme pour faire de Marie une héroïne qui touche davantage le spectateur.

1) La princesse de Montpensier: un personnage entre le XVIème et le XXIème siècle

  • L’influence du XVIème siècle: une éducation humanisteAvec Chabannes, c’est une éducation humaniste que reçoit Marie,  : Mme de La Fayette parlait de manière allusive d’une éducation principalement de l’esprit et de la vertu. Tavernier développe de nombreuses scènes d’apprentissage de Marie : poésie, mathématiques, version latine, écriture, astronomie…
    Cette éducation humaniste  rappelle  celle reçue par Mme de La Fayette dans un tout autre contexte. Il s’agit également de toucher le spectateur contemporain, sensible à la question de l’éducation des femmes.
  • La question corporelle
    Marie, chez Tavernier, est une héroïne sensuelle qui existe à travers son corps et ses émotions. Chez Mme de La Fayette au contraire on montre l’amour  de manière précieuse c’est-à-dire réduit à la conversation. Ainsi,Tavernier donne à voir l corps de Marie , lors de la nuit de noces, comme l’objet d’un négoce. C’est aussi un corps sensuel lors des scènes avec Guise où celui-ci lui la caresse. De même, lorsque Tavernier la filme nue dans le lit de son mari. Cet aspect charnel transparaît de nouveau lors de la scène
    d’amour entre le duc de Guise et Marie de Montpensier après le renvoi de Chabannes par Philippe. Pour Tavernier, il était impensable que Marie et Henri de Guise n’aillent pas plus loin. La scène d’amour esquissée rappelle la violence du désir, scène inimaginable dans une nouvelle précieuse du XVIIème siècle.
    Enfin le cinéaste montre un corps en mouvement.  Il est mis en scène lors des chevauchées filmées par Tavernier : si Marie est d’abord présentée voyageant en « voiture ». Elle semble se libérer physiquement notamment lorsqu’elle va voir le duc de Guise et lorsqu’elle quitte son époux.

Cette présence du corps est importante, non seulement pour les effets de réel du cinéma, mais aussi pour la restitution du personnage du XVIeme siècle. Tavernier souligne que le XVIe siècle était une période où le corps n’était pas caché de la même manière qu’au XVIIe comme en témoigne la peinture de l’époque. De plus, Tavernier juge  que cette présence du corps est nécessaire à la compréhension de l’intrigue par le spectateur d’aujourd’hui.

2) Le film: un développement de la complexité des sentiments

  • Les passions et le XVIIème: le thème est l’une des grandes préoccupations du siècle, en témoignent les écrits de Pascal ou encore Descartes. Mme de La Fayette évoque la violence de la passion, lla passion forcément destructrice pour les femmes et les combats de la vertu pour y résister à travers le personnage de la Princesse. Ainsi la dernière phrase du texte: « une des plus belles princesses du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions ». (p.80 GF)

De plus, la relation entre la Princesse et le Prince de Montpensier n’est jamais évoquée. Toutefois, la jalousie du Prince qui n’est pas liée explicitement à de l’amour mais plutôt au fait qu’il défend ce qui lui appartient.

  • Un développement de la relation Marie/Philippe de Montpensier
    Tavernier, quant à lui, développe la relation entre le mari et la femme. Marie va être touchée par son mari. Il va ainsi filmer Marie  la tendresse des deux époux au matin lorsqu’ils se lèvent.
    Marie apparaît aussi comme un personnage plus tourmenté chez Tavernier : le spectateur sent que son détachement du Prince est lié aux retrouvailles avec Guise mais la jalousie de Montpensier ne font qu’éloigner les amants. De même la nuit de noces traumatisante, annonce la fatalité de ce couple dans lequel l’affection peine à s’imposer.

3) Deux fins distinctes

A/une fin tragique dans la nouvelle du XVIIème siècle

  • Chez Mme de La Fayette, la Princesse connaît une fin tragique : elle tombe malade et meurt à la suite de son aventure avec Guise connue de son mari. « Ce fut un coup mortel ». (p.80 GF)
    La Passion fait souffrir les femmes dans la nouvelle. En effet, la femme est abandonnée, Mme de Montpensier est délaissée par Guise qui noue une relation avec Mme de Noirmoutiers.  La passion est inextricablement liée à la souffrance. De plus, la passion hors des liens du mariage est châtiée car la princesse a renoncé à la vertu.
  • Ainsi, comme dans La princesse de Clèves de Mme de La Fayette, il n’y a pas d’issue heureuse à la passion. la nouvelle sanctionne l’interdit qui consiste à aimer un autre homme que le mari légitime. Les valeurs religieuses, morales de la pensée classique et précieuse sont respectées.
  • Le seul moyen de vivre heureux en échappant au tragique de la passion est de renoncer à celle-ci en s’appliquant à la vertu. Par exemple « une des plus belles personnes du monde et qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions » (p.80 GF). La dernière phrase de la nouvelle de Mme de La Fayette prend donc la forme d’une morale à l’usage des jeunes filles. Cette morale est conforme au regard que les précieuses portent sur l’amour. L’amitié est valorisée  et les tourments de la passion sont refusés.

B/Une fin de femme libre dans le film

  • Tavernier va, de son côté, faire de Marie une figure révoltée qui s’émancipe de son mari et affirme, jusqu’au bout son indépendance.  Elle refuse la réconciliation proposée par son époux qui lui porte la lettre de Chabannes ; on la voit partir et chevaucher seule. Puis elle se rend seule encore sur la tombe de Chabannes pour lui rendre hommage. C’est elle enfin qui a le
    dernier mot du film puisqu’on entend ses pensées en voix off au dernier plan du film. Il  présente Marie, en costume de deuil se détachant sur la neige : « Comme François de Chabannes s’était retiré de la guerre, je me retirais de l’amour. La vie ne serait plus pour moi que la succession des jours. Et je souhaitais qu’elle fût brève puisque les secrètes folies de la passion m’étaient devenues étrangères. » Marie est maîtresse de la morale finale qui diffère
    de celle de la nouvelle : sans la passion, la vie ne vaut pas d’être vécue.

On constate effectivement que Tavernier, contrairement à Mme de La Fayette, choisit de ne pas faire mourir la Princesse. Il ne trouve effectivement pas vraisemblable sa maladie d’amour et qu’il décide de construire un personnage plus moderne et plus indépendant.

N’hésite pas à noter la page et à poser des questions en commentaires

 

Pour aller plus loin:

Hernani, analyse synthétique de la pièce

Les lettres

-Les personnages masculins

-Le personnage de Chabannes

-La scène de la barque

La princesse de Montpensier et le contexte historique

-Portrait de Mlle de Chartres dans La princesse de Clèves

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