Princesse de Clèves aveu à son mari

Introduction: « Princesse de Clèves aveu à son mari ». D’abord, La princesse de Clèves est un roman écrit de manière anonyme par Mme de La Fayette en 1678. La romancière participe à des salons mondains tels que celui de Mme de Rambouillet où naît et se développe une esthétique précieuse. Ainsi, dans ce roman l’héroïne éponyme, mariée au prince de Clèves, découvre les feux de la passion avec le duc de Nemours qu’elle rencontre au cours d’un bal. (Résumé complet de La princesse de Clèves ICI)

Problématique. Ainsi, comment la morale individuelle influence-t-elle l’aveu de Mme de Clèves à son mari ?

Eh bien, Monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l’on n’a jamais fait à son mari, mais l’innocence de ma conduite et de mes intentions m’en donne la force. Il est vrai que j’ai des raisons de m’éloigner de la cour, et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d’en laisser paraître, si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour, ou si j’avais encore madame de Chartres pour aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d’être à vous. Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on en a jamais eu ; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.Monsieur de Clèves était demeuré pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même, et il n’avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu’il jeta les yeux sur elle qu’il la vit à ses genoux le visage couvert de larmes, et d’une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l’embrassant en la relevant :- Ayez pitié de moi, vous-même, Madame, lui dit-il, j’en suis digne ; et pardonnez si dans les premiers moments d’une affliction aussi violente qu’est la mienne, je ne réponds pas, comme je dois, à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d’estime et d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de femmes au monde ; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Princesse de Clèves, Madame de La Fayette (troisième partie)

1. Un aveu inattendu à son mari

A/ Des circonstances romanesques

  • Tout d’abord, la retraite à Coulommiers (Mme de Clèves s’est retirée à la campagne par crainte de rendre publics ses sentiments pour M. de Nemours : « m’éloigner de la Cour », « je veux éviter les périls », « me retirer de la Cour »).
  • Puis, l’incompréhension de M. de Clèves. En effet, il ne comprend pas pourquoi sa femme, à son âge, veut se retirer. Il pense alors qu’elle cherche à l’éviter. C’est pourquoi, il provoque l’aveu en l’obligeant à lui répondre.
  • Enfin, M. de Nemours est présent mais caché. Effectivement, il s’est égaré à la chasse et , comme par hasard, est parvenu jusqu’au pavillon de M. et de Mme de Clèves à Coulommiers. Il entend alors l’aveu que fait Madame de Clèves à son époux.

B/Les aveux d’une héroïne

  • D’abord, Mme de Clèves se conduit de manière singulière. Ainsi, on relève la négation: « un aveu que l’on a jamais fait à son mari ». De plus, on constate la même idée dans la formule: « m’en donne la force ». De même: « quelque dangereux que soit le parti que je prends ». Enfin, la même idée transparaît dans l’injonction: « songez que pour faire ce que je fais ».
  • De plus, Mme de Clèves témoigne de qualités aristocratiques: « je le prends avec joie pour me conserver digne d’être à vous ». De même, dans les tournures mélioratives telles que: « il faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari ». Notons de même: « vous me paraissez plus digne d’estime et d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de femmes au monde ». Enfin l’usage de l’adverbe « trop » dans la formule suivante « il est trop noble pour ne me pas donner une sûreté entière »).
  • Enfin, Mme de Clèves agit avec une réelle innocence. Ainsi, le groupe nominal en témoigne « l’innocence de ma conduite et de mes intentions ». En outre, la négation renforce cette ingénuité: « je n‘ai jamais donné nulle marque de faiblesse ». Relevons également: « je ne vous déplairai jamais par mes actions »).

C/ Une morale classique

En effet, la scène est marquée par une épure classique.

  • Tout d’abord, les sentiments amoureux sont atténués. Ainsi, la tournure impersonnelle participe de ce mouvement d’atténuation: « il est vrai que j’ai des raisons ». De plus, la tournure conditionnelle vient renforcer cette même idée: « si j’ai des sentiments qui vous déplaisent ». Cette formule s’avère fonctionner comme une périphrase qui signifierait « j’aime quelqu’un d’autre ».
  • De plus, cette conversation apparaît comme la recherche d’un guide moral pour faire face à la passion (très décriée au siècle classique). Effectivement, Mme de Clèves a perdu sa mère qui la guidait dans ses choix. La tournure conditionnelle le rappelle: « si j’avais encore Mme de Chartres pour aider à me conduire », « conduisez-moi ».

2. Un aveu lyrique et pathétique

A/ La recherche réciproque d’une délivrance

  • Tout d’abord, Mme de Clèves fait preuve d’humilité face à son mari. En effet, le verbe au gérondif montre une posture de simplicité et d’humilité: « en se jetant à ses genoux ». D’ailleurs, M. de Clèves constate cette attitude comme le montre l’usage de la tournure à l’infinitif: « faire relever sa femme ». On note également « à ses genoux le visage couvert de larmes »ou la formule au participe présent: « l’embrassant en la relevant ».
  • De plus, la démarche d’humilité de Mme de Clèves est bien reçue par son mari. Effectivement, la formule injonctive en témoigne: « ayez pitié de moi vous-même […], j’en suis digne ; et pardonnez ». De même, la tournure hyperbolique: « la confiance et la sincérité que vous avez pour moi sont d’un prix infini ». Finalement, le superlatif renforce le paradoxe de la situation: « vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais aie une femme ait donnée à son mari ».

B/La douleur de l’héroïne

  • En premier lieu, la princesse de Clèves est fragile. Effectivement, elle est seule depuis la mort de Mme de Chartres, sa mère. Cette dernière apparaissait comme sa confidente. De plus, elle est très jeune. Elle a environ 17 ans. C’est pourquoi elle est inexpérimentée. Ainsi, la proposition subordonnée relative résume cette fragilité de la jeune femme: « les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge ».
  • Ensuite, Mme de Clèves se refuse à livrer le nom de celui qu’elle aime. Effectivement, le duc de Nemours est proche de son mari. En outre, il est, comme elle, un courtisan. C’est d’ailleurs pour toutes ses raisons qu’elle est venue se retirer à Coulommiers.
  • Enfin, elle sait que cet amour pour le duc est impossible. Elle a été élevée dans le respect des conventions du mariage. Elle a d’ailleurs accepté d’épouser M. de Clèves alors qu’elle n’éprouvait pour lui que du respect et une forme d’amitié. Lui faire cet aveu, c’est se condamner à ne jamais pourvoir concrétiser sa passion. En effet, après la mort de son mari, elle refusera de se livrer à cet amour pour Nemours.

C/ M. de Clèves, un personnage pathétique

  • D’abord, M. de Clèves éprouve de l’amour pour sa femme. Ainsi, il développe le lexique de la passion: « vous m’avez donné de la passion dès le premier moment que je vous aie vue ; vos rigueurs et votre possession n’ont pu l’éteindre : elle dure encore ; je n’ai jamais pu vous donner de l’amour ». De plus, sa douleur est ancienne car il ressent qu’elle ne l’aime pas depuis le début de leur relation. En témoigne la formule négative: « je m’étais consolé en quelque sorte de ne l’avoir pas touché par la pensée qu’il était incapable de l’être ». La scène revêt, on le voit, une tournure galante. M. de Clèves révèle des sentiments profonds mais avec beaucoup de distinction, d’élégance.
  • De plus, cette scène ravive sa souffrance. La formule suivant apparaît comme une description physique de son état intérieur: « la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-même ». De même, la tournure en point de vue interne à M. de Clèves témoigne de sa souffrance: « il pensa mourir de douleur »ou « une affliction aussi violente »,. Enfin, la forme superlative reprend cette idée:« je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été ».
  • Enfin, cette scène apparaît déterminante pour la suite du récit. En effet, naît chez le mari une jalousie qui lui sera fatale. La série interrogative le montre. Puis, la conjonction de coordination met en relief la situation pathétique du mari: « j’ai tout ensemble la jalousie d’un mari et celle d’un amant », « je ne vous en aimerai pas moins ».

Conclusion sur « Princesse de Clèves aveu à son mari » .Cette scène d’aveu revêt une double fonction. Premièrement, elle inscrit l’oeuvre dans la pensée classique et son rejet de la passion au nom de la religion et de la bienséance. Deuxièmement, elle joue un rôle narratif car elle crée une tension dramatique et s’avère une scène clé pour la suite du récit. Elle donne à ce passage une dimension tragique.

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