LA PRINCESSE DE CLÈVES SCÈNE DU PAVILLON

PRINCESSE DE CLEVES SCENE DU PAVILLON. Cet épisode se déroule dans la quatrième partie du roman de Mme de La Fayette, La princesse de Clèves. L’héroïne éponyme se trouve dans son cabinet, à manipuler des rubans. Elle l’ignore mais le duc de Nemours l’observe. (Accède au résumé complet de la Princesse de Clèves en cliquant ICI).

PRINCESSE DE CLEVES SCENE DU PAVILLON: Le texte

Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu’on ne pût entrer ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu’il fut dans ce jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté, qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et monsieur de Nemours remarqua que c’étaient des mêmes couleurs qu’il avait portées au tournoi. Il vit qu’elle en faisait des noeuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu’il avait portée quelque temps, et qu’il avait donnée à sa soeur, à qui madame de Clèves l’avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à monsieur de Nemours. Après qu’elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le coeur, elle prit un flambeau et s’en alla proche d’une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de monsieur de Nemours ; elle s’assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.

On ne peut exprimer ce que sentit monsieur de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait ; la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

Ce prince était aussi tellement hors de lui-même, qu’il demeurait immobile à regarder madame de Clèves, sans songer que les moments lui étaient précieux.

La princesse de Clèves, Mme de La Fayette, IVème partie, 1678.

PRINCESSE DE CLEVES SCENE DU PAVILLON: problématique

Problématique : comment cette scène construite sur des clichés littéraires apparaît-elle comme un fantasme ?

I) Une scène romanesque 

A/L’héroïsme de Nemours

-D’abord, l’emploi de l’adverbe d’intensité «les palissades étaient fort hautes »

-Ensuite, la tournure négative: « ne pût entrer »

-Enfin, l’adverbe d’intensité : « assez difficile de se faire passage ».

Dans la continuité des romans héroïques et de chevalerie, le héros franchit les obstacles pour retrouver sa dame.

B/Une scène basée sur le regard

-D’abord, dans le premier paragraphe : nous observons avec Nemours, à travers lui.

-Ainsi, nous pouvons observer l’emploi du point de vue interne à Nemours: « il n’eut pas de peine à démêler où était Mme de Clèves »

-Enfin, la répétition du verbe « voir » indique que cette scène passe par le regard. (on peut légitimement parler de scène scopique).

C/ L’intimité de Mme de Clèves

-Puis, le champ lexical du lieu: « palissades », « jardin », « cabinet », « fenêtres » donne à voir l’intimité de la princesse de Clèves.

-De plus, la tournure restrictive : « elle n’avait rien […] confusément rattachés » reprend le topos de la belle endormie, qui est dans un moment intime et sans fard.

-Enfin, l’emploi de la proposition subordonnée relative: « avec une grâce […] coeur ». L’attitude de Mme de Clèves qui se croit seule, libre de montrer le fond de son âme est, au contraire de son attitude à la cour, transparente et sincère.

Nemours parvient à atteindre le lieu idéalisé du jardin, locus amoenus de la tradition littéraire d’où il peut accéder à l’intimité de Mme de Clèves.

II) Un moment onirique

A/ L’idéalisation

-Tout d’abord, le champ lexical du cadre: « lumières », « cabinet », « seule » , « voir au milieu de la nuit ». Sublimation de la scène, idéalisation de cette scène où Nemours épie celle qu’il aime.

-Par ailleurs, l’adverbe d’intensité, « si admirable beauté », renforce la sublimation de la princesse de Clèves.

-De même, le superlatif, « dans le plus beau lieu du monde », renforce cette idéalisation de la scène.

-Enfin, le champ lexical de la passion passion réciproque « adorait », « passion », « amant », « précieux » ainsi que le parallélisme de construction « la voir sans qu’elle sût … la voir tout occupée… » indiquent que cette passion est partagée par le duc de Nemours et par la princesse de Clèves.

Cette scène apparaît comme onirique, un moment suspendu, idéal où Nemours peut observer à loisir celle qui l’aime et dont la conduite montre qu’elle l’aime en secret.

B/Erotisme de la scène

  • En premier lieu, la symbolique des rubans renvoie à la jarretière de la dame. En effet, dans le roman de chevalerie, la dame offre voire attache ce ruban  qu’elle a offert  à l’épée de son preux chevalier. Or, « Mr de Nemours remarqua […]portées au tournoi ». Cet acte fait référence au récit médiéval et au topos du tournoi où la dame encourage son chevalier.

-Ensuite, la métonymie de l’amant (« canne […] soeur »). La canne peut alors être comprise comme une référence érotique à Nemours.

-Enfin, la périphrase « l’avait prise sans faire semblant de la reconnaître »: Mme de Clèves vole la canne des Indes comme Nemours vole son portrait, symbole de leur passion réciproque.

C/ Une scène voyeuriste

-D’abord, on note la rupture dans le 2ème paragraphe.

– Ensuite, le changement de pronom (« on ne peut exprimer ») crée une rupture avec ce qui précède, il n’y a plus adéquation entre le regard de Nemours et celui du lecteur.

-Finalement, il semble qu’il y ait une mise en abyme du regard (« se mit à regarder […]passion seule peut donner ») Par une forme de mise en abyme, Nemours regarde la Princesse qui désormais le regarde à travers son image picturale.

conclusion

Cette scène du pavillon est très intéressante car elle conserve les caractéristiques classiques de l’oeuvre. Toutefois, Mme de La Fayette met en avant l’aspect psychologique car le lecteur se trouve tour à tour observateur de Nemours et observateur de la Princesse de Clèves.

Nous espérons que ce commentaire « PRINCESSE DE CLEVES SCENE DU PAVILLON » a été utile. D’autres cours peuvent t’intéresser, n’hésite pas à cliquer juste en dessous.

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