le chêne et le roseau

Le chêne et le roseau. D’abord, cette fable de Jean de La Fontaine est la 22ème fable du livre I des Fables. Ensuite, le fabuliste reprend une fable d’Esope (texte intégral ci-dessous). Ci-après nous verrons le texte intégral de la fable puis nous verrons quelle morale en tirer. Puis, nous constaterons que cette fable a suscité nombre de réécritures. (Pascal, Anouilh ou encore Queneau)

On voit le chêne et le roseau illustré par Gustave Doré.

Le chêne et le roseau: texte

Le chêne et le roseau

Le Chêne un jour dit au roseau :
Vous avez bien sujet (1)d’accuser la Nature ;
Un Roitelet  pour vous est un pesant fardeau.
            Le moindre vent qui d’aventure (2)
            Fait rider la face de l’eau,
            Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
            Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphir (3).
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
            Dont je couvre le voisinage,
            Vous n’auriez pas tant à souffrir :
            Je vous défendrais de l’orage ;
            Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent. 
La Nature envers vous me semble bien injuste.
 Votre compassion, lui répondit l’Arbuste ,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
     Les vents me sont moins qu’à vous redoutables. 
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
            Contre leurs coups épouvantables
            Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
            Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
            L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
            Le vent redouble ses efforts,
            Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,(4)
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.

Jean de La Fontaine

Notes:

  1. des motifs pour…
  2. par hasard
  3. l’aquilon est un vent du nord, violent et froid, le zéphyr un vent léger et agréable.
  4. celui dont la tête était voisine du ciel

2. Le chêne et le roseau : morale

  • D’abord, la fable compte trois personnages.
  • Premièrement, le chêne semble incarner une forme de force dont il tire beaucoup d’orgueil.
  • Deuxièmement, le roseau semble plus frêle. Cependant, il est capable de plier, autrement dit, il est capable de s’adapter.
  • Troisièmement, le vent apparaît comme une personnage déterminant. Effectivement, son action met en relief les qualités du roseau face à la rigidité du chêne.
  • Ensuite, la morale est implicite. Ainsi, nous comprenons avec l’arrivée du vent que la périphrase  » celui de qui la tête au ciel était voisine », le chêne a été balayé par le vent. « Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts » est une périphrase qui fait référence à la mort de celui qui se croyait invincible. Au fond, ce qui semblait être la force du chêne est en fait sa faiblesse.

3. Le chêne et le roseau Esope

Le roseau et l’olivier

Le roseau et l’olivier se querellaient au sujet de leur résistance,
de leur force, de la tranquillité de leur vie. Comme l’olivier
invectivait le roseau, lui reprochant d’être faible et de céder
facilement à tous les vents, celui-ci resta sans mot dire. Il
n’attendit pas longtemps. Un vent violent ayant soufflé, le
roseau, qui était secoué et ployait sous la tempête, se tira
d’affaire facilement. L’olivier au contraire, qui s’était raidi
contre le vent, fut brisé brutalement. Cette fable signifie que
ceux qui ne résistent pas aux circonstances et aux puissants sont
dans une condition meilleure que ceux qui entrent en lutte
contre les forts.

4. Le chêne et le roseau Pascal

L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la
nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que
l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte
d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait,
l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il
sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers
n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée.
C’est de là qu’il nous faut relever et non de l’espace et de la
durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien
penser : voilà le principe de la morale.

Pascal, Pensées, 1670, fragment 347.

5. Le chêne et le roseau Anouilh

Le chêne un jour dit au roseau :

«N’êtes-vous pas lassé d’écouter cette fable ?

La morale en est détestable ;

Les hommes bien légers de l’apprendre aux marmots.

Plier, plier toujours, n’est-ce pas déjà trop,

Le pli de l’humaine nature ? »

«Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau;

Le vent qui secoue vos ramures

(Si je puis en juger à niveau de roseau)

Pourrait vous prouver, d’aventure,

Que nous autres, petites gens,

Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents,

Dont la petite vie est le souci constant,

Résistons pourtant mieux aux tempêtes du monde,

Que certains orgueilleux qui s’imaginent grands. »

Le vent se lève sur ses mots, l’orage gronde.



Et le souffle profond qui dévaste les bois,

Tout comme la première fois,

Jette le chêne fier qui le narguait par terre.

«Hé bien, dit le roseau, le cyclone passé —

Il se tenait courbé par un reste de vent —

Qu’en dites-vous donc mon compère ?

(Il ne se fût jamais permis ce mot avant)

Ce que j’avais prédit n’est-il pas arrivé ? »

On sentait dans sa voix sa haine

Satisfaite.
Son morne regard allumé.

Le géant, qui souffrait, blessé,

De mille morts, de mille peines,

Eut un sourire triste et beau;

Et, avant de mourir, regardant le roseau,

Lui dit : «Je suis encore un chêne. »


Jean Anouilh, Fables, 1962.

6. Le peuplier et le roseau Queneau

A cheval sur ses branches
le peuplier dit au roseau
au lieu de remuer les hanches
venez faire la course au trot


Le peuplier caracole
il fait des bonds de géant
c’est tout juste s’il ne s’envole
pas ; le roseau, lui, attend


L’arbre se casse la gueule
expire chez le menuisier
il servira de cercueil
à quelque déshérité


Amère amère victoire
le roseau qui n’a pas bougé
ne retirera nulle gloire
de s’être immobilisé

Le Peuplier et le Roseau », Raymond Queneau, Battre la
campagne, Gallimard, 1968.

Enfin, nous espérons que cette brève explication de la moral du « Chêne et le roseau » de La Fontaine ainsi que les différentes strates intertextuelles d’Esope à Queneau en passant par La Fontaine ont pu t’intéresser.

Par ailleurs, d’autres fiches peuvent t’aider dans ton travail:

Dissertation sur les fables de La Fontaine

« La laitière et le pot au lait » (texte)

« Les animaux malades de la peste » (texte)

-« Le coche et la mouche » (texte et explication)

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