Spleen Baudelaire

Spleen Baudelaire. Dans Les Fleurs du mal, recueil publié en 1857, Charles Baudelaire s’appuie sur le thème récurrent du « spleen ». En effet, un cycle de quatre poèmes s’intitule « spleen ». (Pour voir le commentaire de « Quand le ciel bas et lourd », clique ICI.)Le terme vient de l’anglais. Il désigne la rate. Or, depuis l’Antiquité, cette dernière est considérée comme le siège des humeurs. On distinguait alors, les « humeurs claires » qui venaient du cœur et renvoyaient aux gens heureux et les « humeurs noires » sécrétées par la rate et qui désignaient les gens colériques ou malheureux.

Le terme « spleen » est polysémique. Il renvoie :

  • D’abord, au sens premier, il désigne une tristesse vague dont les causes sont inconnues.
  • Or, Baudelaire lui confère le sens du mot « mélancolie » au XIXème siècle c’est-à-dire une forme de dérèglement de la raison. Au fond, le spleen correspond à ce que l’on désigne aujourd’hui par le mot dépression.
On voit Baudelaire spleen représenté dans le tableau de Munch intitulé melancolia. Un homme est pensif devant la mer, il semble atteint de dépression.

I/Les caractéristiques du spleen chez Baudelaire

                               1)Les Ennemis

Ces ennemis favorisent l’émergence de l’angoisse et réduisent à néant toute forme d’espoir.

     LE TEMPS QUI PASSE

  • Dans « L’Ennemi », le temps est un être monstrueux. Tel un vampire, il mange la vie humaine : « Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur/ Du sang que nous perdons croit et se fortifie ! »
  • Or le même thème est ensuite repris dans « l’horloge ». Toutefois, dans ce texte, Baudelaire lui prête la forme d’un dieu menaçant qui rappelle à l’homme que sa vie s’inscrit dans le passage. Il s’inscrit dans le message biblique du « memento mori » (souviens-toi que tu dois mourir) : « Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi ! ». Le poème repose sur un décompte du temps. D’ailleurs la structure elle-même rappelle ce découpage précis : 6 strophes de 4 vers, soit 24 vers comme la division du cadran.
  • Enfin, le poème XXX propose une autre image. En effet, le poète se lamente : « Tant l’écheveau du temps lentement se dévide ». Le jour et la nuit se cristallisent, se figent. Chacun dure 6 mois. Mais ce jour qui s’étire s’apparente à la mort comme en attestent des formules telles que « sans chaleur » ou « de glace ».

LE REMORDS

  • Le remords est une obsession dans « l’irréparable ». Il est une bête maléfique « qui vit s’agite et se tortille ». L’homme en est la proie comme le montre par exemple « A qui notre cœur sert de cible ». Il favorise l’émergence de l’angoisse et nous maintient dans l’obscurité. En effet, l’Espérance « est morte à jamais ».
  • Ensuite, « Obsession »est une tentative d’échapper à l’angoisse en faisant le choix du néant. Or aucun apaisement n’est possible.

LA MORT DE LA MUSE

  • Dans « la cloche fêlée », Baudelaire rapporte le désespoir du poète qui a perdu toute inspiration. L’ennui l’a réduit au silence :

« Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis

Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,

Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie ».

  • D’ailleurs, « L’Ennemi » développe le même thème :

« Voilà que j’ai touché l’automne des idées […]

Et qui sait si les fleurs nouvelles dont je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? »

2)L‘angoisse de la mort

Le temps qui passe met le poète face à l’échéance de sa propre mort. Il la redoute avant de finir par l’accepter.

  • Ainsi, dans « L’horloge » la mort est annoncée comme proche « tantôt » : « meurs, vieux lâche ! Il est trop tard ! »
  • Dans le poème LVI, la mort est en marche. Le poète la pressent dans les bruits qui lui parviennent de l’extérieur. Ainsi, le bois, sert à construire l’échafaud, puis le cercueil. Ainsi, le poème effrayé écoute les cons en frémissant.
  • Enfin, « Le goût du néant » est à la fin de la section « Spleen et idéal ». L’attitude du poète montre une forme de désespérance :
  • « Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,

                […]Couche-toi sans pudeur

              Résigne-toi, mon cœur ; dors ton sommeil de brute […]

             Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute ? »

                3)La violence

« L’héautontimorouménos » décrit le déchaînement de la perversité, haine du poète contre lui-même avant d’être la haine dans l’amour :

« Je suis la plaie et le couteau […]

Et la victime et le bourreau !

Je suis de mon cœur le vampire. »

Ce sadisme est vital au poète, il se nourrit de son propre sang.

II)Les paysages du spleen chez Baudelaire

Baudelaire décrit des paysages extérieurs pour donner corps à ses sentiments :

       UN PAYSAGE DEVASTE

  • Dans « L’Ennemi », le paysage est celui d’un jardin dévasté par l’orage. Les terres et le sol sont stériles, à l’image de l’âme du poète. C’est pour cela qu’il se demande « si les fleurs nouvelles dont [il] rêve » pourront pousser.
  • Le poème XXX donne à voir une planète nue : « Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois ! » Le chaos est originel comme en témoigne « La Genèse ».  Les ténèbres recouvraient l’abîme. On reconnaît la description de Saturne, froide et maussade. Ainsi, Baudelaire s’inscrit dans la tradition selon laquelle les poètes, esprits tourmentés, sont nés sous le signe de Saturne.

UN PAYSAGE SOMBRE ET FROID

  • « Soleil sans chaleur », « soleil de glace », « horizon plombé » ces oxymores traduisent  le paysage hostile du poème XXX.  Le spleen se développe principalement pendant les saisons hivernales ou automnales. De même, au poème LVI : « L’hiver va rentrer dans mon être ».
  • Ensuite, l’enfer est représenté notamment à travers « les ténèbres » comme dans « Chant d’automne ». De même dans « L’irrémédiable » ou « L’irréparable », Satan et le diable deviennent créateurs de l’univers du spleen.
  • Enfin, le gouffre est un paysage privilégié du spleen. Il est associé à une chute, dont il n’est pas nécessaire de rappeler ici la dimension biblique. L’Idéal, au contraire, est un mouvement d’élévation. Nous pouvons citer à titre d’exemple « De profundis clamavi » : « Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé »ou bien au LXXXIV :

« Un damné descendant sans lampe,

Au bord d’un gouffre dont l’odeur

Trahit l’humide profondeur ».

Ainsi, dans la lutte entre le spleen et l’idéal, ce dernier s’épanouissant dans la création poétique (voir par exemple le commentaire de « Correspondances« ), l’amour ou encore le voyage, c’est bel et bien le spleen qui triomphe. Cette victoire est relatée dans Spleen « Quand le ciel bas et lourd » (pour voir le commentaire de ce texte, cliquez ICI.)

Enfin, nous espérons que cette synthèse « spleen Baudelaire » a pu t’aider à mieux comprendre le spleen baudelairien.

Explication linéaire « Une charogne »

Synthèse sur le recueil Les Fleurs du mal

Synthèse sur le thème du spleen

Biographie et bibliographie de Charles Baudelaire

Commentaire « Quand le ciel bas et lourd »

Commentaire de « L’albatros »

Dissertation Baudelaire

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