La cigale et la fourmi

« La cigale et la fourmi » est le titre de l’une des plus célèbres fables de Jean de la Fontaine. Le moraliste classique y donne à voir deux attitudes opposées celle de la cigale et celle de la fourmi. Nous vous proposons d’abord le texte intégral du poème, à lire ou à télécharger pour l’imprimer. Puis, une analyse du texte et de la morale de cette fable. Enfin, en miroir, nous proposons le texte et une brève introduction à la parodie « La cimaise et la fraction » de Raymond Queneau.

On voit la cigale et la fourmi personnifiées dans un dessin de Gustave Doré.

LA CIGALE ET LA FOURMI

La Cigale, ayant chanté
                  Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’août, foi d’animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n’est pas prêteuse ;
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant.

Jean de La Fontaine, Fables.

Présentation de la fable « la cigale et la fourmi »

Introduction

  • D’abord, c’est la première fable du premier recueil. D’ailleurs, il faut rappeler que le recueil est constitué de 124 fables, divisées en 6 livres. Il paraît en mars 1668.
  • De plus, ce recueil est dédié au Dauphin, le fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse, alors âgé de 6 ans et demi. Dès lors, ce livre de fable a une vocation édifiante.
  • Par ailleurs, la dédicace est en prose, suivie de la Préface au lecteur, de la traduction libre de la « Vie d’Esope ». « La cigale et la fourmi » est justement inspirée d’une fable d’Esope.
  • La Fontaine écrit : »Ainsi ces fables sont un tableau où chacun de nous se trouve dépeint ». Or, nous allons le voir, il s’agit bien davantage d’anthropomorphisme que de précision d’entomologiste.

Une fable fantaisiste

Jean-Henri Fabre (1823-1915) dans ses Souvenirs entomologiques relève les erreurs du fabuliste.

  • D’abord, en ce qui concerne la cigale. En effet, celle-ci ne dispose pour s’alimenter que d’un suçoir. Elle ne se nourrit ni de mouches ni de vermisseaux.
  • Il y a d’autres libertés prises par rapport au réel: La cigale meurt à la fin de l’été. Elle ne peut donc « crier famine quand la bise » souffle.
  • Puis, la fourmi, qui dort en hiver dans sa fourmilière ne peut l’entendre. D’ailleurs, elle est carnivore? Elle n’amasse donc pas le grain.

On le voit, La Fontaine ne cherche pas à faire preuve de réalisme, il s’efforce plutôt de créer un monde et des protagonistes à notre image.

« La cigale et la fourmi »: morale

  • Les premiers vers nous présentent le personnage de la cigale. Elle a profité de l’été, s’est amusée sans songer au lendemain. Elle n’a donc pas anticipé son avenir et se trouve sans nourriture.
  • A l’inverse, la fourmi a travaillé dur et n’a pas gaspillé ses ressources. Elle se trouve donc en capacité d’affronter l’avenir sereinement.
  • D’ailleurs, si la fourmi refuse de prêter à la cigale c’est dans la logique de sa démarche de ne pas dépenser vainement. Le partage ne fait donc pas partie de son mode de fonctionnement.
  • La morale est ici implicite: la fourmi se refuse à venir en aide à la cigale qui se trouve prise au dépourvu. Elle la renvoie à son attitude frivole et inconséquente.
  • Enfin, cette fable est devenue si célèbre qu’elle a fait l’objet d’une parodie de Raymond Queneau, « La cimaise et la fraction ». Nous ne résistons pas au plaisir de partager cette lecture avec toi:

LA CIMAISE ET LA FRACTION

La cimaise ayant chaponné
Tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique morio
De moufette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu’à la salanque nucléaire.
« Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
Avant l’apanage, folâtrerie d’Annamite !
Interlocutoire et priodonte. »
La fraction n’est pas prévisible :
C’est là son moléculaire défi.
« Que ferriez-vous au tendon cher ?
Discorda-t-elle à cette énarthrose.
– Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
– Vous chaponniez ? J’en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant. »

Raymond Queneau, 1973.

« La cimaise et la fraction »: explication

  • D’abord, rappelons que Raymond Queneau appartient à l’Oulipo. Mais qu’est-ce que l’Oulipo? C’est l’ouvroir de littérature potentielle. C’est un groupe qui s’est créé au milieu du XXème siècle avec la volonté de tester les potentialités du langage. Pour ce faire, ils se donnent des contraintes qui force leur créativité.
  • Par exemple, pour « La cimaise et la fraction », Raymond Queneau a respecté la contrainte suivante : Substantif-adjectif-verbe + 7. Autrement dit, il a suivi un modèle simple de construction syntaxique: substantif (c’est-à-dire nom commun)+ adjectif+verbe. A cette première contrainte d’écriture, une seconde a été ajoutée: prendre le septième mot du dictionnaire (par rapport au mot employé dans la fable de La Fontaine). Ainsi, « cimaise » est le septième mot du dictionnaire après le mot « cigale ».
  • L’Oulipo s’efforce de faire interagir les mathématiques avec la littérature.
  • Ainsi, la cigale devient la « cimaise » et la fourmi est une « fraction » dans la réécriture de Queneau. Au fond, le sens de la fable est conservé car la cimaise correspond bien aux travers de la cigale dans la fable de La Fontaine. Elle incarne l’instabilité artistique et l’inconscience. Au contraire, la Fourmi est une fraction mathématique. On lui associe la rigueur et l’ordre. L’opposition entre les deux « personnages » de la réécriture est ainsi maintenue.
  • Ainsi, le résultat montre bien que la démarche de l’Oulipo est tout à fait réussie. Effectivement, il faut se déprendre des habitudes pour faire émerger la nouveauté.
  • De plus, « La cimaise et la fraction » est une réécriture amusante, humoristique, d’un texte patrimonial. Raymond Queneau montre ainsi une démarche de réappropriation d’une culture littéraire collective.

Nous espérons que cette lecture de « La cigale et la fourmi » a été plaisante. N’hésite pas à partager tes réflexions de lecteurs dans les commentaires. Pour aller plus loin tu seras peut-être intéressé par la lecture de fiches ou de textes complémentaires:

Fiche sur le classicisme

Fiche biographique sur Jean de la Fontaine

Dissertation sur Les fables de La Fontaine (+ corrigé)

Les fables (PDF)

« Le corbeau et le renard » (texte + analyse)

« Le lièvre et la tortue » (texte + analyse)

« Les animaux malades de la peste » (texte)

« Le Petit Poucet » de Charles Perrault (texte+ résumé+ morale)

« La belle au bois dormant » (histoire de Charles Perrault)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.