Monologue suzanne juste la fin du monde

MONOLOGUE SUZANNE JUSTE LA FIN DU MONDE. Dans la troisième scène de la première de la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce écrite en 1991, Suzanne se livre à un monologue face à son frère Louis. Elle qui est plus jeune que ses frères emploie un discours très spontané. D’ailleurs, ce personnage de Suzanne semble très intéressant dès cette première prise de parole (voir l’analyse des personnages). Elle apparaît également comme un personnage marqué à la fois par une crise personnelle et familiale. (voir la dissertation sur cette question, ICI.) Nous nous proposons d’effectuer l’explication linéaire du début de ce monologue de Suzanne ci-après.

On voit Suzanne pendant son monologue face à Louis.

Problématique: MONOLOGUE SUZANNE JUSTE LA FIN DU MONDE

Problématique: Comment ce monologue singulier trahit-il l’ambivalence des sentiments de Suzanne ?

Texte du monologue Suzanne Juste la fin du monde(partie 1 scène 3)

SUZANNE. – Lorsque tu es parti
– je ne me souviens pas de toi –
je ne savais pas que tu partais pour tant de temps‚ je n’ai pas fait attention‚
je ne prenais pas garde‚
et je me suis retrouvée sans rien.
Je t’oubliai assez vite.
J’étais petite‚ jeune‚ ce qu’on dit‚ j’étais petite.

Ce n’est pas bien que tu sois parti‚
parti si longtemps‚
ce n’est pas bien et ce n’est pas bien pour moi
et ce n’est pas bien pour elle
(elle ne te le dira pas)
et ce n’est pas bien encore‚ d’une certaine manière‚
pour eux‚ Antoine et Catherine.
Mais aussi
– je ne crois pas que je me trompe –‚
mais aussi ce ne doit pas‚ ça n’a pas dû‚ ce ne doit pas être bien pour toi non plus‚
pour toi aussi.
Tu as dû‚ parfois‚
même si tu ne l’avoues pas, jamais‚
même si tu ne devais jamais l’avouer
– et il s’agit bien d’aveu –
tu as dû parfois‚ toi aussi
(ce que je dis)
toi aussi‚
tu as dû parfois avoir besoin de nous et regretter de ne pouvoir nous le dire.

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, 1991. (première partie, scène 3)

Premier mouvement: (jusqu’à « j’étais petite ») Suzanne, la plus jeune de la fratrie

  • D’abord, comme souvent chez Lagarce, le spectateur est perdu face à un usage inattendu des temps verbaux. Ainsi, le passé composé de « tu es parti », renvoie au passé alors que « je ne me souviens pas » renvoie à l’instant présent avec le présent de l’indicatif.
  • Ensuite, Suzanne insiste beaucoup sur le verbe « partir » qui met en relief l’importance pour la famille et pour elle-même de ce départ.
  • De plus, elle insiste sur le fait qu’elle n’a pas pris garde. Autrement dit elle avait seulement une dizaine d’années à l’époque, elle a donc un souvenir peu clair et elle n’a pas compris à ce moment-là ce qui se jouait dans le noyau familial.
  • Puis, peut-être pour culpabiliser Louis, elle emploie une hyperbole: « je me suis retrouvée sans rien ». Or, elle avait bien sa famille autour d’elle mais ce départ fut une perte.
  • Revient ensuite une évocation de la mémoire perdue, « je t’oubliais assez vite » qui semble faire écho à « je ne me souviens pas de toi ».
  • Enfin, un parallélisme de construction clôt ce premier mouvement: « j’étais petite ». Ainsi, sa différence d’âge avec ses frères explique le ressenti singulier qu’elle eut au moment du départ et qu’elle a au moment du retour de Louis.

Deuxième mouvement: le jugement (de « ce n’est pas bien » à « Catherine ».)

  • D’abord, ce mouvement est marqué par un refrain « ce n’est pas bien ». Or, cette tournure négative repose sur un jugement de valeur.
  • Suzanne insiste sur le verbe « partir » par la répétition. Elle met ainsi en évidence l’importance de son départ et la durée de son absence.
  • Puis, Suzanne égraine chaque membre de la famille qui en a souffert, elle la première qui ose exprimer ses reproches directement à Louis alors qu’il reste silencieux.
  • Ensuite « elle », qui désigne la Mère. Par opposition, celle-ci ne verbalisera pas ses reproches vis-à-vis de son fils.
  • Enfin, le pronom « eux » désigne Antoine et sa femme Catherine.
  • Ainsi, ce second mouvement est constitué des griefs de Suzanne à l’encontre de son frère: son départ à cette époque là et la durée de son absence.

Troisième mouvement: la compassion de Suzanne (de « mais » à la fin)

  • D’abord, l’emploi de la conjonction de coordination « mais » montre un renversement. Après l’avoir accablé de reproches et lui avoir montré sa destruction du noyau familial, Suzanne se montre compréhensive vis-à-vis de Louis.
  • Ainsi, l’épanorthose (« ce ne doit pas, ça n’a pas dû, ce ne doit pas être bien pour toi »)montre que Suzanne se reprend et modifie les temps verbaux comme pour montrer que cette difficulté, fut et demeure
  • difficile également pour Louis.
  • En outre, il faut noter la récurrence des tournures négatives. Ce départ est donc marqué par la négation du bien être individuel et collectif des membres de cette famille.
  • De même, le parallélisme de construction « même si tu ne l’avoues pas, jamais/ même si tu ne devais jamais l’avouer » met en évidence la difficulté de Louis à parler.
  • Toutefois, cette répétition du verbe « avouer » est également reprise sous la forme nominale avec le terme « aveu ». Suzanne laisse à penser que Louis est connu pour ne pas reconnaître ses torts.
  • Enfin, la formule « tu as dû parfois toi aussi » met en évidence cette hypothèse que Louis aussi a souffert de cette distance avec sa famille.
  • Ainsi, Suzanne termine une fois encore par la modalité « tu as dû parfois », mettant en évidence l’isolement et la solitude dans laquelle il a pu se trouver parce qu’il était loin des siens.

Conclusion de l’explication linéaire du monologue de Suzanne

Finalement, Suzanne était jeune lorsque Louis a quitté la famille. Si elle est enthousiasmée par son retour, elle se montre très critique à son égard et lui fait d’abord des reproches. Puis, elle se montre plus compatissante et admet qu’il a dû souffrir de la situation.

Nous espérons que ce commentaire linéaire a pu t’aider dans ton travail. N’hésite pas à poster des questions ou remarques dans les commentaires, juste en dessous. D’autres fiches peuvent compléter ton travail et t’intéresser:

Analyse de Juste la fin du monde

Dissertation Juste la fin du monde et la crise

Explication linéaire du prologue de Juste la fin du monde

-Explication linéaire de l’épilogue de Juste la fin du monde

Biographie de Jean-Luc Lagarce

3 réflexions sur « Monologue suzanne juste la fin du monde »

  1. merci beaucoup pour cette analyse linéaire. J’aurai juste une petite précision à ajouter,: il s’agit d’un soliloque puisque Suzanne n’est pas seule. Elle s’adresse à Louis qui ne parle pas.

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